Migrations et Nouveau testament : l’étranger comme route spirituelle
Avec le précédent article du blog, nous nous sommes penchés sur l’Ancien Testament, qui nous rappelle à quel point les migrations et l’exil sont aux racines du peuple d’Israël. Le Nouveau Testament, lui, attache une attention particulière à la figure de l’étranger, que l’on rencontrera tout au long de la vie de Jésus, lui-même en chemin pour annoncer la Bonne Nouvelle. Reparcourons les Livres ensemble.
L’étranger : une figure au cœur du Nouveau Testament
Le voyageur inconnu, l'étranger qui vient nous visiter et qu'on ne reconnaît pas, est une figure importante dans le Nouveau Testament. Nous pensons évidemment à la parabole du jugement dernier en Matthieu 25, à laquelle la Maison Bakhita est particulièrement attachée : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir ».
Le Fils de l’homme se cache dans ces rencontres toutes simples, réussies ou pas : avec les étrangers, les malades, les affamés, les prisonniers… Ainsi l’accueil et la rencontre avec l’autre peut devenir chemin vers Dieu. Dans d'autres passages évangéliques, il est celui qui vient comme un voleur dans la nuit ; et le prologue de Jean nous dit : « Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jean 1.11-12) Il en va de même à la suite de la résurrection de Jésus, où il apparaît comme un voyageur inconnu aux deux disciples qui s’en allaient vers Emmaüs ; c’est au moment où ils l’invitent à rester avec eux, quand il partage le pain, qu’ils le reconnaissent dans le convive qu’ils avaient invité.
Pour sa part, Saint-Paul souligne que, grâce à l’œuvre de paix réalisée par Jésus, les chrétiens d’origine païenne ne sont plus désormais « ni des étrangers, ni des émigrés » à l’alliance de la promesse (Ephisiens 2.12-19). Leur exclusion n’est plus de mise, leur manque est comblé. « Il n’y a plus ni Grec ni Juif, […] ni barbare ni Scythe » (Colossiens 3.11). Ceci est illustré narrativement dans les préliminaires à la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10.9-16), par cette vision d’une grande toile contenant tous les quadrupèdes, les reptiles et les oiseaux invitant Pierre, respectivement le lecteur, « à se libérer de l’impact puissant de la métaphore qui assimile les étrangers à l’impureté et les Juifs à la pureté ». Cette même idée est développée en Ephésiens 2.14 où il est affirmé que Jésus a « détruit le mur de la séparation », c’est-à-dire qu’il a rendu caduc ce qui, dans la loi juive, empêchait juifs et païens de se rencontrer pour se présenter ensemble devant Dieu.
La migration de Jésus : un chemin spirituel
Les Évangiles nous font découvrir Jésus de Nazareth comme un homme en chemin. Il parcourt les routes de Palestine, annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Son ministère est un ministère itinérant. Ceux qui le suivent, se mettent en route avec lui et deviennent à leur tour des itinérants. Être en chemin rend vulnérable : « Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » (Matthieu 8.20). Mais l’itinérance ouvre aussi à l’expérience de l’hospitalité : Jésus est accueilli dans la maison de Simon, le pharisien (Luc 7.36-50), chez le publicain Lévi (Marc 2.14-15), chez Marthe et Marie (Luc 10.38-42)…
À son tour, Jésus donne « l’hospitalité » : pas en accueillant dans sa maison (qu’il n’a pas), mais à travers sa capacité d’accueil de l’autre et son attitude vis-à-vis de l’étranger. L’un des premiers miracles, c’est la guérison du serviteur d’un centurion romain (Matthieu 8.5-13). Jésus ose aborder une femme Samaritaine (Jean 4.7 ss.). Dans le pays des Géraséniens, il libère un homme possédé (Marc 5.1-20). Il propose un Samaritain étranger comme exemple d’amour du prochain (Luc 10.29-37). Puis, il y a la rencontre de Jésus avec une femme « païenne, syro-phénicienne » (Marc 7.24-30): Jésus se laisse convaincre par le point de vue de l’autre, à savoir une païenne et une étrangère, qui le contraint à revoir sa propre logique !
À la suite de Jésus, ses disciples expérimentent qu’ils sont en chemin. Le nom des chrétiens sera « ceux de la Voie » (cf. Ac 9, 2 dans traduction de la Bible de Jérusalem), c’est-à-dire « ceux qui sont en route », et leur communauté sera toujours étrangère dans la cité du monde.
Ainsi, la condition de migrant est l’archétype de la vie chrétienne, celle de ceux qui sont en marche vers Dieu, comme Jésus fut en marche en Palestine pour apporter la Bonne Nouvelle. Par l’expérience migratoire, l’homme peut apprendre que la recherche de soi exige d’aller vers l’autre qui lui révèlera son identité authentique. Pour le prochain article, nous nous intéressons à l’actualité de la doctrine sociale catholique envers les personnes exilées. Bonne semaine !
Pour aller plus loin
« Vivre l’hospitalité à la manière de Jésus », Église et Migrations
Jean Riaud (dir.), L’étranger dans la Bible et ses lectures, Paris, Cerf (Lectio divina 213), 2007
Campese, Gioacchino., et al. « La théologie et les migrations : la redécouverte d’une dimension structurelle de la foi chrétienne ». Migrations Société, 2012/1 N° 139, 2012. p.135-156
Migration et Ancien Testament : un lien originel
La Maison Bakhita, en tant qu’association répondant à l’appel de février 2017 du pape François,...